Embouteillage dans l'entrejeu espagnolQuel ingrat métier que celui de sélectionneur national, surtout au moment d'annoncer la liste des joueurs convoqués pour participer à la grande aventure de la Coupe du Monde de la FIFA ! Sans doute vit-il son plus grand moment de solitude à l'heure de confronter son opinion à celle de centaines de journalistes et de millions de supporters, autant d'entraîneurs anonymes qui ont déjà leur propre liste en tête.
Le sélectionneur sait que si les choses prennent un mauvais tour, il sera jugé seul responsable de ses choix. Il sait également que, à l'inverse, si sa campagne se termine sur un succès, le mérite reviendra à ses seuls joueurs. Au fait de ses lois du jeu tacites, Luis Aragonés les a acceptées en prenant les commandes de l'équipe nationale d'Espagne. Au moment de révéler la liste des sélectionnés pour Allemagne 2006, il s'est toutefois déclaré plus peiné que quiconque de devoir sacrifier des joueurs à qui il avait accordé sa confiance pendant la compétition préliminaire.
"Si seulement je pouvais en emmener 34 ! a regretté le Sage de Hortaleza. Il a fallu écarter des joueurs qui méritaient d'être sélectionnés, surtout dans certains secteurs comme le milieu de terrain, où l'Espagne compte de nombreux éléments de talent." Force est de constater que, ces derniers temps, le pays a produit un nombre considérable de milieux de terrain de qualité dotés d'une bonne vision du jeu et d'une technique sans faille.
Aragonés a expliqué avoir fondé son choix sur un principe simple : retenir les éléments les plus aptes à développer le système de jeu choisi pour l'équipe. Mais en y réfléchissant, ne serait-ce pas la qualité de son milieu de terrain, point fort de la sélection, qui impose à l'Espagne un jeu basé sur la possession de balle, en défense comme en attaque, et les passes courtes ?
Ça passe... Les milieux de terrain espagnols sélectionnés pour Allemagne 2006 sont Xavi (Barcelone), Andrés Iniesta (FC Barcelone), Cesc Fábregas (Arsenal), Marcos Senna (Villarreal), David Albelda (Valence CF), Xabi Alonso (Liverpool) et, dans les couloirs, José Antonio Reyes (Arsenal), Joaquín (Betis) et Luis García (Liverpool).
D'une moyenne d'âge de 24,3 ans, les six milieux affichent, pour la moitié d'entre eux, très peu d'expérience en sélection nationale. Senna et Cesc n'ont défendu qu'une fois les couleurs de la Furia Roja, en match amical contre la Côte d'Ivoire, en mars dernier, et Iniesta n'a pas encore fait son baptême de feu. L'inexpérience de ces joueurs est toutefois compensée par un solide apprentissage dans la plus prestigieuse compétition de clubs d'Europe. Cesc et Iniesta ont tous deux atteint la finale de la Ligue des Champions de l'UEFA, respectivement avec Arsenal et Barcelone, et Senna en a disputé les demi-finales avec Villarreal.
Xavi est le vétéran de l'entrejeu espagnol (33 matches), devant Albelda (31 matches) et Xabi Alonso (23 matches). Tous trois ont disputé l'Euro portugais, Xavi et Albelda ayant également défendu les couleurs nationales lors de la dernière édition de la reine des compétitions.
Remis en un temps record d'une grave blessure au genou, Xavi, qui doit encore retrouver un rythme de compétition, aborde le rendez-vous allemand avec entrain après une saison presque blanche. Albelda et Xabi Alonso ont, quant à eux, joué un rôle clé dans la réussite de leur club respectif : Valence, à la troisième place de la Liga, et Liverpool, troisième de Premier League et vainqueur de la FA Cup.
Purs produits du FC Barcelone, Xavi, Iniesta et Cesc ont tous été formés à l'image du grand talent de la Dream Team de Johan Cruyff, Josep Guardiola. Techniques, dotés d'une exceptionnelle vision du jeu, capables de passes incroyables, maîtres dans l'art du toque et déterminés à l'heure de tirer au but, les trois milieux ne pourront certainement pas jouer ensemble. Senna, Albelda ou encore Xabi Alonso pourraient donc apporter une solution idéale par leur bonne gestion du ballon et leur abattage défensif.
… Ou ça casse. Cette année, la concurrence a été rude pour un poste au cœur du dispositif ibérique. Nombre de meneurs de jeu de qualité se sont vu écartés de la sélection. L'un des grands absents du groupe d'Aragonés pour Allemagne 2006 est sans doute le Valencien Rubén Baraja. Abonné à la liste des candidats, il en a été exclu à la dernière minute, notamment en raison de l'ascension fulgurante de Cesc et Iniesta.
Une grave blessure du ligament croisé du genou gauche a mis fin aux espoirs mondialistes de Juan Carlos Valerón au mois de janvier. Présent à Corée/Japon 2002 et à l'Euro portugais, le Canarien de 31 ans était, avec 45 capes, une référence de la Furia Roja jusqu'à mars 2005, date de sa dernière convocation en sélection. Tout laissait donc présager que le sélectionneur préparait la relève à son poste.
Iván de la Peña a rapidement vu ses chances compromises par l'irrégularité de son club en Liga. Et pour cause, l'Espanyol n'a échappé à la relégation qu'à la dernière minute de son dernier match de championnat. Faisant partie des joueurs les plus brillants du football espagnol des années 90, Lo Pelat possède un caractère bien trempé à l'origine de relations houleuses avec la plupart de ses entraîneurs. D'où son baptême du feu tardif en sélection, à l'âge de 28 ans. S'il doit sa première cape à Aragonés, les mauvais résultats de son club ont fini par avoir raison de ses aspirations.
Les 23 joueurs de l'équipe d'Espagne Le Madrilène Guti a plus ou moins connu le même sort. Après un début de saison remarquable, son jeu a souffert de la trajectoire en dents de scie de la Maison Blanche, qui a vécu une année pleine de coups de théâtres et de déceptions. Au fil du temps, le milieu a perdu la confiance de Luis Aragonés au profit des jeunes révélations.
Pensionnaire du Betis Séville, Alberto Rivera a également attiré l'attention du sélectionneur, notamment grâce à ses remarquables prestations en Ligue des Champions de l'UEFA. La décevante campagne de son club en championnat a toutefois entravé sa progression.
Convié par Luis Aragonés à l'une des dernières journées de rassemblement des candidats pour une place en sélection, Borja Obiña doit être inscrit dans la liste des successeurs potentiels du cru 2006. D'autres noms sont à ajouter à celui du joueur du Celta de Vigo, notamment ceux du Valencien Raúl Albiol et d'Alberto Zapater, de Saragosse. De quoi approvisionner les stocks de l'Espagne en milieux de terrain, son meilleur produit.